HISTOIRE KURDE – QUELQUES ELEMENTS
LES SUITES DE LA PREMIERE GUERRE MONDIALE
Jusqu’au milieu du 19ème siècle, les Kurdes avaient mené une existence assez
autonome entre les deux blocs Ottoman et Perse au sein d’une quinzaine de
principautés. Leurs guerres pour leur indépendance ne leur permirent pas de
gagner face à l’Empire Ottoman soutenu soit par l’Allemagne soit par les
Britanniques. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le désir des Kurdes
de devenir une nation à part entière est reconnu par le président américain
Woodrow Wilson. Dans son projet de la Société des nations, il prévoyait la
formation de trois états dans les possessions orientales de l’Empire ottoman :
Arabie, Kurdistan et Arménie. Le traité international de Sèvres d’août 1920,
signé entre autres par la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni donnait au
peuple Kurde le droit à son propre état… Suite à l’insurrection nationaliste du
général turc Atatürk, le traité de Sèvres resta lettre morte et fut remplacé
par celui de Lausanne, signé en Juillet 1923, par lequel la Turquie annexait la
majorité des territoires du Kurdistan. Entre temps les “monts Kurdes”, soit les
provinces kurdes de Cezire et de Kurd-Dagh avaient été rattachées à la Syrie
sous mandat français (1921). Quant à la province de Moussoul qui ne voulait pas
être rattachée à Turquie ni à Bagdad fut finalement rattachée à l’Irak en 1925…
En contrepartie la France et les Etats-Unis reçurent chacun 23,75% des actions
de la compagnie Turkish Petroleum rebaptisée Irak Petroleum en 1927, et ce
jusqu’en 1972. Londres et la France reconnurent le droit aux Kurdes d’utiliser
leur langue dans leurs publications, mais Ankara n’eut même pas cet égard. Le 3
mars 1924 la langue Kurde était interdite aux Kurdes de Turquie, les écoles et
journaux kurdes fermés, et l’assemblée nationale où siégeaient 75 députés du
Kurdistan fut dissoute. Les nombreuses tentatives d’insurrection des Kurdes
entre 1920 et 1930 furent réprimées dans le sang par la Turquie, l’Irak et
l’Iran qui eurent souvent l’appui technique de l’URSS, le Royaume-Uni et la
France.
LE GENOCIDE ARMENIEN ET LES KURDES
“Nous sommes le petit déjeuner, vous serez le déjeuner”. Par cet avertissement,
les Arméniens implorèrent la compassion de leurs voisins Kurdes durant le
génocide organisé par le pouvoir turc en 1915. La participation de bandes
kurdes et tcherkesses aux massacres est attestée. Il s’agissait de paysans
pauvres et âgés. Mais d’autres Kurdes risquent leur vie pour protéger les
arméniens dans la région de Dersim Si aujourd’hui les responsables turcs ne
reconnaissent pas le génocide arménien, les historiens et institutions kurdes
le reconnaissent, notamment le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan).
LE GENERAL BARZANI CONTRE SADDAM HUSSEIN
Le général Moustapha Barzani (1903 – 1979). Il a lutté dans les années 1930
pour l’indépendance du Kurdistan irakien, avait commandé les armées de
l’éphémère République de Mahabad en 1946 et passé douze ans d’exil en URSS. Il
était rentré en Irak en 1958 suite à la chute de la monarchie. La révolution
irakienne du 14 juillet 1958 avait ouvert des perspectives aux kurdes d’Irak.
Les autorités encouragèrent les travaux d’une commission de savants kurdes pour
rédiger ne histoire de leur peuple destinée à être ensignée dans tous les
établissements scolaires, y compris les écoles purement arabes. La construction
de lycées et d’une université kurde fut entérinée par Bagdad. Un système
d’autonomie administrative commença à être instauré dans le Kurdistan irakien.
Mais tout cela fut de courte durée et s’arrêta en 1961. Au départ, Barzani
pensait utiliser la diplomatie pour faire accéder son peuple à une plus grande
autonomie. Le 8 juin 1961 le PDK (parti démocratique du Kurdistan) se référant
à la constitution de 1958 demande à avoir les mêmes avantages que les provinces
arabes de l’Irak. Le gouvernement réagit mal et le 8 septembre une guerre
totale est engagée contre les Kurdes. Interdiction des journaux Kurdes, mise
hors la loi du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) obligèrent les militants à
se cacher. En septembre 1961 une résistance armée se fait jour dans les montagnes
du Kurdistan, ce sont les “peshmerga” (mot signifiant : celui qui va au-devant
de la mort). Cette lutte armée reste isolée du reste du monde. L’Irak ne
parvient pas à arrêter ce mouvement. En 1963, c’est la chute de ce régime
remplacé par l’Etat baassiste. Une trêve est décrétée. En mars 1963 le
commandement national du conseil de la révolution annonçait officiellement
qu’il reconnaissait les droits des Kurdes. Mais ce nouveau pouvoir irakien ne
cherchait qu’à gagner du temps. Dès juin 1963 la guerre reprend avec violence.
Après un certain flou en 1966 suite à la disparition du général irakien, la
guerre reprend. C’est la bataille de Rawanduz et les Kurdes mettent en déroute
deux divisions irakiennes. L’Irak ne reconnaît pas sa défaite. Mais le 18 juin
le gouvernement envoie des délégations au général Barzani. Dans les
négociations certains termes sont soigneusement évités : le Kurdistan est le
“nord de l’Irak”, le mot autonomie est remplacé par décentralisation. Deux ans
plus tard, second coup d’état : le compteurs sont remis à zéro. La guerre
recommençait. Le 11 mars 1970 un accord est passé entre Barzani et Saddam
Hussein. Le Kurde devenait la deuxième langue officielle du pays et les
provinces à majorité kurde obtenaient leur autonomie et participaient au
gouvernement central. Mais ces concessions ne devaient pas être respectées…
Saddam Hussein cherchait à gagner du temps. Barzani échappe à plusieurs
attentats et l’Irak obtient des armes de Moscou. En 1974 il y a une guerre
totale contre la résistance kurde. Mais Saddam Hussein ne parvient pas à les
faire tomber après un an de guerre. En 1975 un accord est signé à Alger entre
l’Iran et l’Irak pour encercler la résistance Kurde. Le résultat ne se fit pas
attendre, ce fut l’effondrement de la résistance de Barzani. Ce dernier renonce
à la résistance armée et se réfugie aux Etats-Unis. Plus de 150’000 Kurdes
d’Irak trouvent refuge en Iran. D’autres au moins aussi nombreux furent
déportés dans les régions des marais au sud de l’Irak tandis que le gouvernement
entreprenait l’arabisation forcée des villes de Sinjar, Khanaqin et
Kirkouk.
LE REGIME DE SADDAM HUSSEIN MASSACRE LES KURDES
La résistance reprend en 1977 à cause de l’accélération de la politique
d’arabisation du Kurdistan irakien (rappelons que les Kurdes bien qu’islamisés,
n’acceptèrent jamais l’arabisation). La guerre entre l’Irak et l’Iran donna un
second souffle aux partis Kurdes d’Irak. Mais le régime de Saddam Hussein
continue à réprimer et massacrer : Destruction de villages Kurdes, massacre de
5000 civils dans la petite ville de Halabja le 16 mars 1988 à l’arme chimique
et d’autres massacres : le nombre de civils Kurdes massacrés de 1974 à la fin
1990 par le régime irakien est estimé à 200’000, celui des villages rasés à
4600. Le 15 avril 1987 déjà les armes chimiques étaient utilisées dans une
trentaine de villages des provinces de Souleimaniyé et d’Erbil. Le 17 avril une
attaque chimique fait 400 morts dans la vallée de Balisan. 286 survivants,
blessés tentèrent de se rendre à Erbil pour s’y faire soigner. Ils furent
arrêtés par l’armée et abattus. Les services irakiens avaient été formés par la
Stasi est-allemande. Le 3 juin 1987, une directive du proconsul ordonne
l’extermination de toute population humaine et animale d’une zone de 1000 villages
kurdes. Cette opération provoquera l’exil de 100’000 civils vers la Turquie.
Derrière eux, 90% des villages avaient été rayés de la carte et 15 millions de
mines anti-personnelles posées dans la région. 1,5 millions de paysans kurdes
avaient transité dans des camps d’internements. En 1988 l’armée dynamita la
ville symbole de l’indépendance Kurde, Halabja. La ville de Qala Diza, 120’000
habitants, fut évacuée, dynamitée et rasée.
LE PKK EN TURQUIE
Le parti des travailleurs kurdes (PKK) a commencé son combat à la fin des
années 1970 à Diyarbakir, capitale historique du Kurdistan côté Turquie. Alors
qu’il était délibérément resté flou, voire “ouvert” sur la question kurde,
Erdogan, premier ministre en Turquie a signé en 2007 un accord avec Bagdad avec
comme objectif délibéré d’augmenter la pression sur les “terroristes” du
PKK.
Le mot d’ordre de la Turquie est : “la patrie indivisible”. Traduisez : il n’y
aura jamais de Kurdistan en Turquie ! La guérilla, la misère et le harcèlement
policier poussent certains Kurdes à l’assimiler parce qu’ils ont été séduits
par la politique sociale menée localement par les islamistes. Le PKK n’est pas
une grande menace pour la Turquie aujourd’hui comparé aux années 1984 à 1992 où
ils étaient vingt mille. Aujourd’hui ils comptent moins de 3000 militants en
territoire turc. En 1993, l’état a mené une opération de destruction de
villages kurdes, ce qui a amené les populations rurales vers les grandes
métropoles, et encouragé une forte immigration vers l’Europe. En 1999 il y a
l’arrestation du président du PKK, Abdullah Öcalan. De sa prison ce dernier
demande l’arrêt de la lutte armée et le début d’une transition démocratique.